Une visite très suivie à la ferme de La Cavalerie à Saint Gonnéry
Fabienne et Rémi nous ont présenté un chemin réfléchi parsemé d’expériences pour convertir leur ferme en bio puis faire évoluer leurs productions en passant des vaches laitières aux cultures très diversifiées. Leur objectif : cultiver leurs terres pour nourrir directement les humains plutôt que de nourrir des animaux.
D’une ferme de 29 ha au début, sa surface est aujourd’hui de 68 ha dont 50 groupés autour du siège avec les bâtiments, en propriété sauf une parcelle .
Une ferme laitière qui nous a conduit à cultiver du colza pour produire nous-mêmes nos tourteaux, afin d’être le plus possible autonomes dans la production de nourriture pour les vaches. Nous avions donc un sous-produit, l’huile de colza et nous nous sommes dit pourquoi pas essayer de la vendre en alimentaire et ça a marché.
La crise laitière de 2009 arrive et Entremont à qui nous vendions notre lait est racheté par Sodial. Le dilemme pour nous : soit on arrête le lait soit on change de crèmerie. Nous pratiquions une agriculture raisonnée donc nous nous sentions capables de passer en bio. Les vaches étaient déjà toujours à l’herbe depuis 2003.
La conversion commence en 2010 et nous sommes certifiés en 2012. Notre lait est vendu à Biolait. Nous sommes autonomes pour l’alimentation des vaches : essentiellement de l’herbe en pâturages, betteraves, tourteaux de colza, très peu de maïs car la semence bio est très, très chère. Nous investissons dans un séchoir à foin qui permet d’améliorer grandement sa qualité. Il est séché en vrac dans des cellules. Déshumidificateur, ventilateur de 18 kwh alimentés par des capteurs photovoltaïques en auto-consommation. Le coût de ce séchage équivaut à celui du film plastique qui entoure les rounds. Ce foin séché en intérieur est plus appétant et plus riche en éléments minéraux mieux conservés que par le séchage sur champ. En 2018 nous obtenons la certification lait de foin.
Rémi pense avoir fait le tour de cette activité vaches laitières et en juin 2020 il s’en sépare. Mais ses vaches ont été patiemment sélectionnées et nous voulons leur éviter l’abattoir. 2/3 sont vendues à des jeunes qui démarrent et 1/3 à la ferme de la Donaiterie de La Motte à qui nous vendions déjà notre surplus de génisses.
Un grand virage pour la ferme : décision prise de faire seulement des cultures pour nourrir les humains ; un plongeon même car nous ne savons pas vendre.
Cette année nous avons 13 cultures différentes (le maximum a été à 17) : des céréales, des légumineuses, des brassicoles et de l’herbe pour reposer les sols, récoltée en foin et vendue à des collègues éleveurs. Des cultures où l’on fait le cycle de A à Z : on sème, on fait pousser, on récolte, on trie, on triture, on moud, on met en sac ou en bouteille, on vend et on garde des graines pour l’année suivante.
Avec les laitières, nous avions un salarié, aujourd’hui nous avons fait le choix de rester à 2 seulement et de réduire la voilure. Les travaux de culture et de transformation sont très irréguliers dans le temps donc moins adaptés pour des salariés.
Nous possédons tout le matériel, car toutes les interventions extérieures sont à risque. Les entreprises agricoles ne souhaitent d’ailleurs pas venir chez nous car intervenant aussi chez des conventionnels, elles doivent nettoyer les machines avant d’intervenir dans une ferme bio.
Nous partons en visite dans des champs tout proches.
*Première culture observée : une association lentilles et blé, ce dernier servant de tuteur à la lentille, plante grimpante. Le semis a lieu en avril-mai. La gousse de lentilles contient seulement 2 graines. 2 variétés sont présentes : la verte et la béluga, une graine noire. Blé et lentilles seront récoltés en même temps, en août, puis triés. Nous observons des plantes indésirables : quand une parcelle est trop sale, elle sera ensemencée en herbe pour quelques années avec plusieurs coupes annuelles pour éliminer les graines d’adventices.
*Deuxième parcelle avec une 2 ème association : tournesol-sarrasin et pour une petite partie du champ, un essai maïs pop corn- sarrasin. Le tournesol est une plante sarclée, pour éviter le désherbage, nous semons avec, du sarrasin au pouvoir allélopathique = la plante émet des toxines inhibant la germination des adventices. Le tournesol est une culture difficile, car les oiseaux raffolent des graines que ce soit au stade du semis ou bien de celui de la maturité de la fleur. Nous avons 2 solutions pour limiter les dégâts : l’effaroucheur = canon fonctionnant au gaz ou des cerfs-volant qui sont efficaces aussi. Le blé noir ne sera pas récolté, il servira d’engrais vert.
*Troisième champ : une culture de cameline, son huile est 4 fois plus riche en oméga 3 que le colza.
Et à côté du blé de variété ancienne, très haut et barbu qui sera transformé en farine.
Le sol est enrichi avec du compost fabriqué sur place et si besoin de la chaux quand le pH descend trop. L’acidité du sol bloque l’assimilation des minéraux du sol par la plante.
Avant de passer une parcelle en herbe, pour réduire les adventices, on la laboure, on fait des faux-semis. Dans un sol vivant, un labour peu profond ne fait pas de dégâts.
Nous rentrons maintenant dans les bâtiments pour l’étape tri et transformation.En dessous des cellules de séchage du foin, une aire de séchage avec sous nos pieds des grilles sous lesquelles passent des gaines de circulation d’air pour sécher cameline et céréales.
Sur une table Fabienne et Rémi nous ont exposé plusieurs plantes cultivées dans des champs plus éloignés : de l’orge brassicole, du petit épeautre, de l’avoine qui sera sans doute transformée en flocons, du lin cultivé pour ses graines. Pas de chanvre cette année, il nous reste assez de graines de 2021. Les autres cultures : blé noir pour les graines et une autre variété pour la farine, des pois cassés, de l’épeautre et du petit-épeautre.
Les graines récoltées et séchées si nécessaire vont d’abord passer dans un trieur-séparateur. Un 2ème passage peut être nécessaire s’il y a beaucoup de graines d’indésirables. En seconde étape, les graines passent dans la décortiqueuse, le petit épeautre notamment puis repassent dans le trieur-séparateur pour ôter la balle.
Troisième machine, un trieur optique (importé d’Italie car non fabriqué en France). Le tri s’effectue sur 3 critères : la couleur, un peu la forme et la densité. Utilisé pour les lentilles, le blé , les graines gardées pour les semences. Si le tri n’est pas parfait, le blé ira en alimentation animale.
Ces machines appartiennent à une CUMA (coopérative d’utilisation de matériel agricole) : les collègues viennent ici avec leurs graines surtout les semences de blé et de vesce.
Suivent une table densimétrique pour ôter les cailloux et une autre décortiqueuse composée d’une meule fixe et une autre tournante, la paroi de la graine de sarrasin est enlevée par frottement.
Nous terminons la visite par le local de la presse à huile et l’embouteilleuse.
Une tonne de colza ——— 270 litres d’huile
Une tonne de cameline ——— 170 litres
Production annuelle totale d’huile ——— 3000 litres avec aussi le tournesol et le chanvre.
Une seconde pièce abrite le moulin Astrié, à meule de pierre, pour les différentes céréales transformées en farine.
Toutes ces cultures transformées sont vendues au magasin de la ferme et dans des magasins de producteurs sur Loudéac et Pontivy, au Gros Chêne ainsi qu’à l’épicerie locale. Une bonne adresse pour remplir son panier en circuit court. Fabienne transforme aussi les fruits de la ferme en confitures. On trouve également du miel car les abeilles de leur quinzaine de ruches peuvent butiner des fleurs très diverses et beaucoup de blé noir.
Une visite réjouissante pour les 40 personnes présentes, Fabienne parle vraiment avec passion de son métier de paysanne. Rémi est plus modéré dans son expression mais on y sent aussi l’amour de la terre et de la vie des sols et des plantes.
Nourrir les humains plutôt que les grandes firmes agro-industrielles, n’est-ce pas là un beau projet à soutenir ?
Joëlle pour EKOLOKOBIO